Ou comment grandir, devenir un.e adulte, responsable de ses émotions, de ses pensées, de ses interactions, de ses besoins, permet aussi de devenir un.e manager bienveillant.e et performant.e
J'ai dix ans
Je sais que c'est pas vrai
Mais j'ai dix ans
Laissez-moi rêver
Que j'ai dix ans
Ça fait bientôt quinze ans
Que j'ai dix ans
Ça parait bizarre mais
Si tu m'crois pas hé
Tar' ta gueule à la récré »
La famille et l'entreprise ont de nombreux points communs dans leur fonctionnement: les couples se séparent, chacun refait sa vie, les familles recomposées apparaissent, à l'image des cessions et fusions d'entreprises qui font émerger de nouvelles entités, voire identités.
Dans des mondes professionnel et personnel qui se confondent, dans des environnements complexes, mais surtout très humains, que gagne-t-on à devenir des adultes responsables, c'est à dire à:
Ne pas rejeter la responsabilité sur l’autre ;
Etre son premier pourvoyeur de soin;
Faire des demandes explicites ;
Ne pas projeter sur les autres ses propres attentes ;
Etre allegé.e de croyances, pensées, automatismes qui ne sont plus adaptés;
Quel impact cela peut-il avoir sur les compétences managériales ? Nous n'avons qu'un seul cerveau, aussi comment grandir fait de nous un.e meilleur.e manager?
Chacun est responsable de sa propre motivation professionnelle
Dans le cadre de coachings avec des managers, une question revient très fréquemment : « comment faire pour augmenter la motivation de mes équipes ? ». Cette question en amène une autre: dans quelle mesure êtes-vous responsable de la motivation de votre équipe? Jusqu'où?
Dans le modèle de la Process Communication, chaque profil de personnalité a des besoins psychologiques différents : être reconnu.e pour ses compétences, être reconnu.e pour son engagement professionnel, pour ses opinions, être reconnu.e pour sa personne, être en contact avec les autres, se sentir en connivence, pourvoir travailler seul.e, ou avoir sa décharge d’adrénaline quotidienne. C’est au cœur de ces besoins psychologiques (plus précisément ceux de la phase qu’un individu traverse) que vient se nicher la motivation professionnelle. Mais aussi ce que nous pourrions appeler l’énergie de manière générale.
Taibi Khaler, fondateur du modèle de la Process Communication, pose alors cette question:
« A qui devrait-on laisser le soin de nourrir nos besoins psychologiques ? ».
A personne d’autre que soi-même.
Chacun de nous doit prendre soin de lui, connaître, reconnaître, accepter ses besoins et les nourrir.
D’un point de vue managérial, tout manager conscient des besoins des membres de son équipe peut proposer, offrir de la « nourriture » aux besoins qu’il ou elle a pu identifier : de la reconnaissance, des défis, un mode de fonctionnement qui permet de travailler seul, du fun etc. Mais chaque membre de son équipe est responsable de s’en saisir ou pas. Nous pouvons même aller plus loin et dire que chaque membre de son équipe est responsable de lui dire ce dont il a besoin. Encore faut-il en avoir conscience et que les collaborateurs se sentent autorisés explicitement ou implicitement par leur manager à formuler des demandes:
« Sache que pour bien fonctionner, j’ai besoin de beaucoup de feedback, j’ai besoin de savoir quand j’ai fait un boulot de qualité, je peux m’en rendre compte seul.e mais j’ai besoin d’avoir cette confirmation de ta part »
Aucun manager n’a le pouvoir dans l’absolu de motiver les membres de son équipe. Il a la possibilité d’être curieux, de les observer, de les questionner, de se questionner lui même, de laisser de l’espace, de proposer du support, de donner du sens. Mais chacun reste in fine responsable de sa propre motivation.
Pour un manager, en avoir conscience c'est ne pas prendre à sa charge une responsabilité qui ne lui appartient pas entièrement, mais au contraire responsabiliser et considérer les hommes et les femmes de son équipe comme des adultes responsables.
Chacun est responsable de ses propres émotions et sentiments
Et pourtant, le langage courant est truffé de mythes qui vont complètement en sens inverse.
Combien de fois dit-on « tu me fatigues » « tu m’énerves » « tu me rends heureux » « tu me fais rire » ? Comme si nous n’avions rien à voir dans l’affaire.
Les mythes sont au cœur de la Process Communication, mais la Communication Non Violente (CNV) ne dit rien de différent. Dans son livre « les mots sont des fenêtres (ou sinon ils sont des murs) », Initiation à la Communication Non Violente Marshall B Rosenberg, explique :
« La troisième composante de la CNV consiste à identifier l’origine de nos sentiments. La CNV nous aide à comprendre que les paroles et les actes d’autrui peuvent être un facteur déclenchant, mais jamais la cause de nos sentiments. Nous constatons que nos sentiments proviennent de la façon dont nous choisissons de recevoir les actes et les paroles des autres, ainsi que de nos besoins et de nos attentes particulières à ce moment là. Avec la troisième composante, nous en venons à accepter la responsabilité de ce que nous faisons pour générer nos propres sentiments ».
La preuve en est, la même action, la même phrase n’aura pas le même impact en fonction de notre humeur, de notre fatigue, de ce par quoi nous sommes traversés à cet instant.
Le langage a donc une importance cruciale. Exemple :
- « Tu m’as déçu en refusant ce poste, tu ne pouvais pas refuser une telle promotion» => l’autre est entièrement responsable.
- « J’étais déçu quand tu as refusé ce poste que tant de personnes convoitaient » => j’assume que je suis déçu mais la tournure de phrase masque encore un peu ma responsabilité.
- « J’étais déçue quand tu as refusé le poste, parce que j’avais très envie de travailler avec toi » => Ma déception est générée par mon envie.
Je suis donc responsable de la manière dont j’accueille les actes et les paroles, je suis responsable de mes besoins, de mes attentes, qui génèrent mes propres sentiments et émotions.
En étant vigilant à ses tournures de phrase et en acceptant qu'il ou elle est en charge de ses émotions et de ses sentiments, un manager ne transfert pas de responsabilité inutile à ses équipes, en cela il ou elle diminue les situations conflictuelles, car naturellement chacun comprend intuitivement le mécanisme et actionnera le sien: la défense voire l'attaque.
Chacun est responsable de se placer dans une relation d’adulte avec ses interlocuteurs et son environnement
En Analyse Transactionnelle, l’un des concepts principaux est la notion d’ « Etat Du Moi » que l’on peut définir comme un ensemble cohérent de pensées et de sentiments que nous exprimons à travers des comportements. Se situer dans l’Etat Du Moi Adulte est tout ce qui nous permet d’être en lien avec « l’ici et maintenant », c’est à dire de réagir indépendamment de l’influence :
- de l’Etat du Moi Parent : tout ce que nous avons pris de nos parents, patrons, enseignants… « il faut... » ; « Dans la vie... » ; « On doit... ».
- de l’Etat du Moi Enfant : tout ce qui nous fait réagir exactement de la même façon que lorsque nous étions enfant, des réactions affectives presque archaïques, des colères, des tristesses ou des joies déconnectées de la situation réelle.
Etre dans son « Etat Du Moi » Adulte c’est donc être dans la situation telle qu’elle est, conscient de ses tenants et aboutissants. Nous nourrissons notre « Adulte » en nous, chaque fois que nous remettons en question, que nous ne reproduisons pas des comportements, des pensées ou des sentiments provenant de ses parents et éducateurs, ni des modèles de pensées, de ressentis issus de son enfance.
Chaque fois qu'un.e manager, ou un.e collaborateur.trice parvient a traiter une situation depuis son Etat Du Moi Adulte, il ou elle s'engage dans la solution la plus adaptée car tenant compte du contexte, des développements probables, des objectifs, du caractère de ses interlocuteurs, et cette position permet de se libérer de couches de stress encombrantes.
Etre responsable de soi est donc un cheminement, un processus, où nous cherchons à savoir qui nous sommes :
- Cette croyance est-elle la mienne ? Est-elle le résultat de mon expérience personnelle ?
- Ce sentiment, il m’appartient, à quel besoin est-il relié ? Je me sens démotivé.e, sans énergie, que me manque-t-il ?
- Quel regard je porte sur la situation ? Quel biais suis-je en train d’appliquer ?
Lorsqu’on souhaite développer ses compétences managériales (mais pas seulement), entamer une démarche en ce sens permet :
- D’avoir une pensée plus claire, lucide, et ainsi limiter son stress ;
- De nommer, accepter les émotions et les reconnaître chez les autres ;
- D’être capable d’avoir une communication directe, explicite, savoir demander et recevoir des demandes ;
- D’être dans une relation d’Adulte à Adulte avec son équipe, et ainsi mieux déléguer.
Etre responsable de soi, de ses pensées, de ses réactions, être adulte, ce n’est pas forcément être sérieux c’est surtout être libre.
Rien ne vous empêche ensuite de retomber en enfance très régulièrement en toute sécurité : chanter à tue-tête dans la voiture, rire à la même blague depuis 25 ans, manger des coquillettes au beurre directement dans la casserole !
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